Le terme autisme a été introduit dans le domaine psychiatrique au début du XXe siècle par le psychiatre allemand Eugen Bleuler pour indiquer la prévalence de la vie intérieure et une aversion active du monde extérieur. En 1943, avec la publication de l’article Autistic disturbances of affective contact, Leo Kanner reprend le terme autisme pour décrire un syndrome précoce de l’enfant dont les symptômes primaires étaient l’extrême isolation de soi et une résistance obstinée à tout changement.
Par la suite, d’autres termes ont vu le jour pour désigner cette problématique, notamment schizophrénie infantile, psychose infantile et troubles globaux du développement. Avec la parution du DSM-III, le terme psychose disparaît et la plupart des affections jusqu’ici réunies sous ce terme chez l’enfant ont été regroupées dans une nouvelle catégorie nosologique intitulée Trouble envahissant du développement. Depuis mai 2013, l’ensemble des troubles qui peuvent s’apparenter de près ou de loin à l’autisme est nommé troubles du spectre de l’autisme ou TSA. On parle de troubles du spectre de l’autisme, car l’autisme n’est plus considéré comme unique, mais plutôt comme une problématique qui recouvre une constellation de troubles qui impliquent la communication, la vie relationnelle, les comportements et les intérêts. Ces troubles sont souvent accompagnés par des troubles du langage, de l’attention, de la sensorialité, de la sensorimotricité, du développement cognitif et de la sphère émotive (stress, anxiété, dépression). --------------------------------------------------------
À partir des années cinquante, plusieurs psychanalystes se sont occupés de l’autisme apportant à la fois des interprétations quant à l’explication des causes à la fois des propositions quant à la prise en charge. Au fur et à mesure que les recherches biologiques ont avancé, les hypothèses psychanalytiques ont été l’objet de polémiques, critiques et rejets. Certains psychanalystes ont alors été amenés à préciser la nature de l’approche psychanalytique qui ne doit pas être vue comme une concurrente vis-à-vis des recherches biologiques, car celles-ci s’intéressent aux anomalies sous-jacentes aux dysfonctionnements de l’organisme alors que l’approche psychanalytique porte l’attention sur le sens inconscient des symptômes, sur la souffrance psychique sous-jacente et sur les fantasmes auxquels elle est attachée (1).
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Depuis ces deux dernières décennies, les recherches dans le domaine des neurosciences sur les causes de l’autisme se sont multipliées. À présent, il est admis qu’il n’y a pas une seule cause qui pourrait correspondre à une anomalie neurobiologique unique, mais qu’ils auraient plusieurs anomalies cérébrales sous-jacentes distribuées dans les régions corticales et sous-corticales (les cortex frontaux et temporaux, le cervelet, l’hippocampe et l’amygdale, et parfois le striatum, le thalamus, le corps calleux, ou l’hypothalamus) (Gepnern, 2004). ------------------------------------------------------------
En France, dès les années cinquante, des psychanalystes français — notamment S. Lebovici, R. Diatkine et J. Ajuriaguerra (2004) — ont toujours eu le souci d’articuler leurs formulations psychanalytiques avec les données des autres disciplines scientifiques et en particulier de la neurobiologie. Dans les années septante, Roger Misès (1975) propose une approche multidimensionnelle, multidisciplinaire, dont la référence analytique est essentielle, mais où sont reconnues valables d’autres formes d’interventions pédagogiques, rééducatives, etc. Pour cet auteur, comme pour Serge Lebovici, la psychose infantile n’est assimilable ni à une simple réaction ni à une maladie réductible à ses seuls fondements neurobiologiques. Plus récemment, dans le domaine de la neuropsychanalyse, Bernard Golse (2010) propose une prise en charge multidimensionnelle des enfants autistes — qui se situe dans la lignée de Roger Misès — en prenant en compte les données des neurosciences et de la psychologie développementale et en prônant une collaboration entre professionnels et parents. Bernard Golse développe un modèle de l’autisme qui met l’accent sur la dimension polyfactorielle qui serait l’héritière épistémologique du concept freudien de série complémentaire. Plus précisément, l’autisme se développe et se co-construit entre le bébé et les adultes sur la base d’une vulnérabilité biologique et génétique. Une est mise en avant par des recherches en neuroimagerie cérébrale sur des enfants autistes (Boodaert et coll., 2004 ; Gervais et coll., 2004) qui montrent que le lobe temporal supérieur de ces enfants est affecté. Cette partie du cerveau est impliquée dans le décodage des émotions sur le visage des autres, la reconnaissance de la voix, la perception des mouvements et elle est le lieu d’une activité essentielle de co-modalisation des différents flux sensoriels. Bernard Golse montre, avec son équipe, que l’implication de cette partie du cerveau dans l’autisme peut également être lue à la fois comme une source possible à la fois comme la conséquence d’un fonctionnement de type autistique. Le modèle du processus autistisant, décrit par Jacques Hochmann, s’inscrit dans cette même conception de l’autisme qui éviterait de le réduire à un simple processus neuro-développemental plus ou moins linéaire. Les facteurs impliqués dans le développement de l’autisme se distinguent en facteurs primaires — facteurs de risques — et facteurs secondaires relationnels qui correspondent plus précisément aux facteurs de déclenchement et de fixation de l’autisme. Ainsi, l’enfant autiste naîtrait avec un bagage génétique qui le rendrait vulnérable face à un environnement relationnel hostile qui serait le facteur déclencheur.
Dans son article L’autisme infantile entre neurosciences et psychanalyse (2010), Bernard Golse cite à titre d’exemple quelques données cliniques du fonctionnement des enfants autistes avancées par la psychanalyse qui sont confirmées par des données des neurosciences, notamment le démantèlement, l’identification adhésive, les identifications projectives et la théorie de l’esprit, les angoisses de pénétration par le regard d’autrui, le traitement des objets animés comme des objets inanimés (2).
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1. Voir : D. Houzel (2004), Nouvelles approches psychopathologiques de l’autisme infantile, in : S. Lebovici, R. Diatkine, M. Soulé, Nouveau traité de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent, Volume 2, PUF.
2. Voir : Démantèlement, identification adhésive, identification projective
Bibliographie :
Ajuriaguerra J. de, Diatkine R., Badaracco G. (1956), Psychanalyse et neurobiologie, in : La psychanalyse d’aujourd’hui, PUF.
Boodaert N., Chabane N., Gervais H. et coll. (2004), Superior temporal sulcus abnormalities in childhood autism : a voxel based morphometry MRI study.Neuroimage, 23 : 364-9.
DSM III, Diagnostic and statistical Manuel of mental disorders, Am. Psychitr. Assoc., Washington DC, 1980; DSM III, Diagnostic and statistical Manuel of mental disorders-revised, Am. Psychiatr. Assoc., Washington DC, 1980 ; DSM III, Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux, trad. fr. sous la direction de P. Pichot et J. D. Guelfi, Masson, Paris, 1983. Gepnern B. (2004), Autismes : Ralentir le monde extérieur, calmer le monde intérieur, Odile Jacob.
Gervais H., Belin P., Boodaert N. et coll. (2004), Abnormal cortical voice processing, in: autism : a fMRI study. Nat Neurosci, 7 : 801-2.
Golse B. (2010), L’autisme infantile entre neurosciences et psychanalyse, Convergences et controverses ?, Enfances & Psy, 2010/1 n° 46, p. 30-42. Golse B. (2013), Mon combat pour les enfants autistes, Odile Jacob.
Kanner L. (1943), Les troubles autistiques du contact affectif. Traduction fr. de l’article paru dans Nervous Child, 1943, 2, 217-250 par M. Rosenberg, Neuropsychiat. Enf. Ado., 1990, 38,1-2, 65-84.
Kanner L., Étude du devenir de onze enfants autistes suivis en 1943. Traduction de l’article paru dans J. Autism Schizophr., 1971, 1-2, 119-145. Traduction par M. Rosenberg, Neuropsychiat. Enf. Ado., 1992, 40, 5-6, 317-322.
Malaguarnera S. (2006), Théorisations psychanalytiques sur l’autisme et la psychose infantile : et l’école du quotidien, Publibook.
Misès R. (1975), les facteurs de milieu dans les psychoses. Préalables méthodologiques. Apport de la psychopathologie de l’enfant, Annales médico-psychologiques, juin 1975, t. II, n° 1, p. 124-128.
Compléments :
Golse Bernard, Lebovici Serge, Série complémentaire
Le Psychodynamic Diagnostic Manual (PDM) est un manuel diagnostique d’orientation psychanalytique. Ce manuel se différencie du DSM pour la prise en compte à la fois des variations individuelles à la fois des points en communs. ________________
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