Serafino Malaguarnera - Psychologue, Psychanalyste, Psychothérapeute à Bruxelles Av. d'Itterbeek, 9 - 1070 Bruxelles - Av. Louise, 505 Ixelles |
Creating echo In the story of Narcissus, Ovid (2015) discusses the role of Echo as being one where out of a love for Narcissus she hides from him and mimics his actions, yet because of her nerves she is only able to repeat some of what he says. Narcissus, in his irritation with her, then sends her away, after which his repeated attempts to 206 The Journal of Critical Psychology, Counselling and Psychotherapy achieve union with her are rejected (Shirock, 2013). This simplistic representation is relevant here as an opening for just how this rarely understood position has been considered for many years. Yet, its relevance is that it is a position which counters the normal dyad of subject and object, self and other, that has often been presented as the bedrock of formations of identity. In the context of this article, the idea that the only means for the other to be appreciated is by them adopting a means of being that is alien to them becomes problematic. For example, using Bhabha’s ideas post-colonially the position of the mimic is seen as being one where the colonised attempts to copy the behaviours of the coloniser, an aspect explored to greater depth by Ram (2014) who saw it as the colonised person’s attempts to normalise the aggressive colonisation by the subject of themselves as the other and making sense of their experience (Huddart, 2006). Within the field of Whiteness theories Ahmed (2014) builds upon these ideas, recognising that mimicry also provides the conditions for the other to feel good about themselves in relation to the majority. And yet, mimicry is not always seen as a negative. Within the world of psychotherapy mimicry is seen as a developmental stage for most children; the child copies the actions and behaviour of the closest caregiver, be they a parent or from their extended family (Weil & Piaget, 1951). The importance of this should not be understated. The idea here that there is a developmental aspect to mimicry, or echoism, although at a very different developmental stage to that proposed by post-colonial theorists, here speaking not just of the level of denigration of the other, but also of the infantilising of the abuse of colonialism. If this seems strong, then one way of seeing this at play is via the lens of colonial behaviours which sought to exorcise the indigenous aspects of the colonised to make them more westernised, with enforced mimicry being used to make the other dis-identify with their indigenous roots (Fanon, 2005). Moving to another example, stereotyping – the othering of the other where their identity is fixed and projected upon – also becomes a form of echoism. A consideration of this position emerges out of Shen’s (2015) work with its consideration of how, if one adopts the stereotype, then one reflects the identity that the subject needs to see out of a need to remain safe under the oppressive gaze of the majority. Here, as per the role of the mimic, a factor of their oppression is the adoption of a position posited as acceptable, and yet also incomplete, by the majority. "Une chose est certaine en tout cas : dans le monde entier, l'édition des oeuvres de Freud est désormais l'affaire des écrivains, des universitaires et des historiens. Après des décennies de querelles ou de charabia, Freud est désormais regardé, hors du milieu psychanalytique - et à l'exception notable de l'Allemagne -, comme l'un des grands penseurs de son temps. Cela ne manquera pas de provoquer de nouvelles campagnes antifreudiennes semblables à celles orchestrées depuis vingt ans par les tenants d'un comportementalisme barbare. Car il en va de Freud comme de Darwin ou de Marx. Les déferlements de haine à leur égard semblent être la preuve que leur invention touche à une vérité universelle : quelque chose comme le propre de l'homme. L'être humain est en effet le produit d'une évolution biologique, d'une détermination psychique conflitctuelle et d'un environnement social conçu en termes de classes". E. Roudinesco (À paraître le 27 mai au Seuil : Mais pourquoi tant de haine — l’affabulation d’Onfray, E. Roudinesco)
À paraître le 27 mai au Seuil : Mais pourquoi tant de haine — l’affabulation d’OnfraySource : http://www.cifpr.fr/+A-paraitre-le-27-mai-au-Seuil-Mais+Obscurantisme onfrayantVoici la bande-annonce de la publication prochaine d’un ouvrage anti-obscurantiste destiné à ne pas abandonner le terrain de l’établissement rigoureux des faits à des travaux scientifiquement infondés soutenus par un auteur qui ne supporte pas la critique, s’énerve, insulte, et, refusant le débat contradictoire, préfère se proclamer persécuté. Certains disent ça n’est même pas la peine de répondre, on deviendrait faussement symétrique à l’auteur d’un discours qu’il est impossible et vain de prendre au sérieux. Malheureusement en de telles circonstances on ne peut laisser passer certaines contre-vérités sans tomber dans le qui ne dit mot consent. C’est pourquoi Élisabeth Roudinesco a dès le début entrepris malgré tout de faire son devoir de scientifique spécialiste du domaine en démontant la mécanique mensongère du discours d’Onfray. Ça n’a pas plu à l’intéressé, d’autant plus qu’un concert de réprobations s’est abattu sur son ouvrage en réalité plus médiatique que profond, aussi médiocre scientifiquement que prétentieux de pensée, sans compter sa référence à des auteurs d’extrême droite plus experts en antisémitisme masqué qu’en établissement rigoureux de faits. Voici la raison de la publication qu’annoncent les éditions du Seuil dont nous vous faisons part. Nous nous portons solidaires de l’entreprise car solidaires de la psychanalyse. La psychothérapie relationnelle fait partie avec elle de la même famille des pratiques du psychisme centrées sur le processus de subjectivation. Comme dit la chanson : "— visa le noir tua le blanc" qui tire sur un canard menace le vol dans son ensemble. Philippe Grauer PS : allez voir sur le site Ring la superbe interview exclusive d’Élisabeth Roudinesco. Une érudition élégante de nature à éclairer intelligemment le débat.
Outre ses erreurs et l’invention de faits qui n’existent pas, cet ouvrage bafoue les règles de la méthodologie historique et philosophique. Et il n’est pas le seul ! Depuis plusieurs années en effet on a vu se multiplier de telles publications en lieu et place d’une pensée rationnelle. Voici enfin réunis et présentés dans un ouvrage à plusieurs voix, voici de solides arguments rédigés par des enseignants et chercheurs qui n’acceptent pas que la raison et le bon sens soient tournés en dérision par une initiative obscurantiste cherchant à mobiliser une prétendue France profonde contre des "élites" dites "parisiennes". On y trouvera trois textes d’Élisabeth Roudinesco : Cinq universitaires se sont associés à cet ensemble : Guillaume Mazeau, historien, Université Paris-I, IHRF Christian Godin, philosophe, Université Blaise Pascal de Clermont-Ferrand Franck Lelièvre, philosophe, classes préparatoires, Lycée Charles De Gaulle, Caen Pierre Delion, professeur de pédopsychiatrie et des Universités, Lille Roland Gori, psychanalyste, professeur émérite des Universités, Aix-Marseille Le tout est conçu comme une réponse éclairée et documentée à une entreprise de décervelage consistant à présenter sans sourciller l’apôtre Jean en préfigurateur de Hitler, Kant en précurseur d’Eichmann, Charlotte Corday en héroïne vichyssoise, Freud en personnage cupide, menteur, phallocrate, homophobe, misogyne et destructeur de son propre peuple (les Juifs), au mépris des faits, du travail scientifique (nécessairement critique) et de l’esprit des Lumières, fondés sur le libre examen. Par son titre cet ouvrage fait suite à celui déjà publié chez Navarin en 2005 par Élisabeth Roudinesco, avec des contributions de Pierre Delion, Roland Gori, Jack Ralite, Jean-Pierre sueur :Pourquoi tant de haine ? anatomie du Livre noir de la psychanalyse. Michel Onfray : un retour de l’obscurantisme Que retenir de la petite polémique suscitée par le livre de Michel Onfray sur Freud – Le crépuscule d'une idole. L'affabulation freudienne – qui a été fort bien orchestré par tout un appareil médiatique ? Que dire du brûlot d’Onfray dont on saisit sans peine qu’il répond à l’idée que l’on se fait aujourd’hui d’un bon produit marketing (on en parle, on en fait parler, on le vend à tous les rayons) ? Conservons simplement ceci qui prend valeur de symptôme : Onfray, c’est un retour de l’obscurantisme. L’affirmer est un paradoxe apparent puisque le Monsieur en question se veut justement pourfendeur de tout ce qui, dans les religions, philosophies, ou en divers lieux de pensée, lui apparaît sous ce nomlà d’obscurantisme. Ce qu’est l’obscurantisme ? C’est ce qui « plonge dans l’obscurité », notamment le mépris du savoir et de la connaissance. Il est toujours facile de dénoncer l’obscurantisme qui se manifeste dans des formes de la religion, ou dans certaines attitudes morales ou culturelles. C’est tellement un lieu commun. Il est un peu plus compliqué de le dévoiler là où il se manifeste sous une apparence contraire, là où il se cache dans un discours qui se veut moderne, rationnel, sans entraves, critiques aussi à l’égard des conventions bourgeoises, référés à de grandes figures de la pensée. Mais, au fond, c’est bien ce que Nietzsche analyse avec tant d’acuité dans la Généalogie de la morale quand il montre cette inversion des valeurs qui permet à l’homme du ressentiment, par un effet de trompe l’oeil, de faire passer sa haine si profonde pour de l’amour, sa violence pour de la douceur, son désir de vengeance pour de la justice, etc. Le procédé n’a pas changé : on peut tout aussi bien faire passer l’obscurantisme pour de la raison éclairée, et le mépris du savoir pour le respect de la vérité. La falsification est toujours de mise. « L’obscurantisme est revenu – écrivait Bourdieu – mais cette fois, nous avons affaire à des gens qui se recommandent de la raison ». Onfray est de ceux-là. Mais il n’est que le signe de quelque chose qui travaille l’époque. Nous aurons beau jeu de stigmatiser, du haut de notre suffisance, des religions et des cultures que nous jugeons contraire à notre vision d’un monde moderne. Nous ne voyons plus ce qui est au coeur de nous-même. Onfray obscurantiste ? Il suffit de relire – si on a peu de courage – son Traité d'athéologie, et on verra que, de cet ouvrage de 2005 à l’essai qu’il vient de publier sur Freud, la méthode est toujours la même. Deux exemples suffiront : dans ses lettres, l’apôtre Paul écrit qu’il souffre de ce qu’il appelle une « écharde dans la chair ». Tous les spécialistes du christianisme primitif s’accordent pour dire qu’on ne sait pas quelle est la nature de ce mal (les hypothèses sont multiples). Mais Onfray, lui, « sait » et déclare tout tranquillement que Paul souffre d’« impuissance sexuelle » et que, de ce fait, il serait « incapable de mener une vie sexuelle digne de ce nom ». On pourrait trouver cela cocasse s’il n’en faisait pas la clef de compréhension de toute la pensée paulinienne, se condamnant à passer complètement à côté d’une pensée aux multiples facettes, et qui déploie, pour une part, justement une kénose du divin, c’està- dire une déconstruction des représentations classiques de Dieu (cf. à ce propos Agamben, Badiou, Derrida, Nancy, etc.). Et Freud ? D’après Le crépuscule d'une idole, toute la théorie de l’OEdipe découlerait ce que le petit Sigmund aurait vu sa mère nue et n’aurait pu s’empêcher de la désirer. Est-ce cela une pensée honnête, et informée ? Peut-on ignorer que Freud n’invente pas l’OEdipe, mais qu’il reprend un mythe qui est justement récit de l’immémorial et énonciation d’une structure ? Même chose pour la question du nazisme : dans son athéologie, Onfray fait du christianisme, notamment de l’Évangile de Jean, l’origine directe du nazisme – rien de moins – tout en balayant par ailleurs d’un revers de la main les liens entre nazisme et néo-paganisme. Il écrit : « Hitler était disciple de saint Jean », ignorant tout de l’utilisation du mot « juif » dans le quatrième Évangile, sans rien mettre en perspective, sans distance. Il peut bien faire dire alors ce qu’il veut aux textes qu’il étudie. Dans son nouvel ouvrage, c’est Freud qu’Onfray dévoile comme défenseur d’un régime autoritaire, et la psychanalyse comme adéquate aux totalitarismes. Freud n’a-t-il pas dédicacé un de ses ouvrages à Mussolini ? On reste confondu devant les courts-circuits opérés, l’utilisation des sources, laissant de côté toute complexité pour faire valoir des causalités directes et univoques : ceci mène à cela, CQFD. Onfray lit à la manière des fondamentalistes : hors contexte, de façon littérale, sans faire fonctionner le conflit des interprétations. Le jeu financier en vaut sans doute la chandelle puisque les livres se vendent, et que nombreux sont ceux sur qui la séduction opère. Dans un temps où « plus c’est gros, plus ça semble vrai », il n’y a pas de raison que le filon s’épuise. Le plus drôle, évidemment, est de se vouloir en même temps dans la foulée Nietzsche : que la démystification nietzschéenne ellemême serve une semblable opération de mystification, il fallait le faire… Eh bien, il l’a fait. Jusqu’au jour où, sans doute, le masque tombera de lui-même. Jean-Daniel CAUSSE est professeur à l'Université de Montpellier III, département de psychanalyse. Jean-Daniel CausseBernard-Henri Lévy : Pour Sigmund Freud (Le Point, Bloc-notes du 29 avril 2010)
Michel Onfray se plaint d’être critiqué sans être lu ?Eh bien, donc, je l’ai lu.Je l’ai fait en m’efforçant, autant qu’il est possible, de laisser de côté les camaraderies anciennes, les amitiés communes ainsi que, mais cela allait de soi, le fait que nous soyons, tous deux, publiés par le même éditeur.Et la vérité oblige à dire que je suis sorti de cette lecture plus consterné encore que ne le laissaient présager les quelques comptes rendus dont, comme tout le monde, j’avais pu avoir connaissance.Non que je sois de ceux pour qui l’« idole » Freud doive être intouchable : de Foucault à Deleuze, Guattari et d’autres, beaucoup s’y sont frottés et, sans être d’accord avec eux, je n’ai jamais nié qu’ils aient fait avancer le débat.Ce n’est pas davantage le ressentiment antifreudien, voire la colère, voire même la haine, qui, comme je l’ai lu ici ou là, créent, pour moi, le malaise dans ce « Crépuscule d’une idole » : on fait de grands livres avec la colère ! et qu’un auteur contemporain mêle ses propres affects à ceux d’un glorieux aîné, qu’il se mesure à lui, qu’il règle ses comptes avec son œuvre dans un pamphlet qui, dans la chaleur de l’affrontement, apporte des arguments ou des éclairages nouveaux, cela est, en soi, plutôt sain – et Onfray l’a d’ailleurs fait, souvent, ailleurs, et avec un vrai talent.Non.Ce qui gêne dans ce « Crépuscule », c’est qu’il est, soudain, banal, réducteur, puéril, pédant, parfois à la limite du ridicule, inspiré par des hypothèses complotistes aussi abracadabrantes que périlleuses et assumant, ce qui est peut-être le plus grave, ce fameux « point de vue du valet de chambre » dont nul n’ignore, depuis Hegel, qu’il est rarement le meilleur pour juger d’un grand homme ou, mieux encore, d’une grande œuvre…Banal : j’en prends pour seul exemple la petite série de livres (Gérard Zwang, Pierre Debray-Ritzen, René Pommier) auxquels Onfray a d’ailleurs l’honnêteté de rendre hommage, à côté d’autres, en fin de volume et qui défendaient déjà la thèse d’un Freud corrupteur des mœurs et fourrier de décadence.Réducteur : il faut avoir le cœur bien accroché pour supporter, sans rire ou sans effroi, l’interprétation quasi policière que fait Onfray du beau principe nietzschéen qu’il connaît pourtant mieux que personne et selon lequel une philosophie est toujours une biographie cryptée ou déguisée (en gros : si Freud invente le complexe d’Œdipe, c’est pour dissimuler, p. 111, ses pensées ulcérées à l’endroit de son gentil papa et pour recycler, p. 505, ses non moins vilaines pulsions en direction de sa maman).Puéril : le regret (p. 477) de ne pas avoir trouvé, dans « les six mille pages » des œuvres complètes, cette « franche critique du capitalisme » qui eût comblé d’aise le fondateur de l’Université populaire de Caen.Pédant : les pages (73-76) où il se demande, gravement, quelles dettes inavouables le fondateur de la psychanalyse aurait contractées, mais sans vouloir le reconnaître, auprès d’Antiphon d’Athènes, d’Artemidore, d’Empédocle ou de l’Aristophane du « Banquet » de Platon.Ridicule : c’est la page où, après de douteuses considérations sur son probable recours à l’onanisme, puis une non moins curieuse plongée dans les registres d’hôtel, « luxueux pour la plupart » (p. 162), où le Viennois aurait abrité, pendant des années, ses amours coupables avec sa belle-sœur, Onfray, emporté par son élan de brigadier des mœurs, finit par le soupçonner d’avoir engrossé ladite belle-sœur alors parvenue à un âge où ce genre de bonheur n’arrive, sauf dans la Bible, que fort rarement.Le complot : c’est, comme dans « Da Vinci Code » (mais la psychanalyse, selon Onfray, n’est-elle pas l’équivalent d’une religion ?), l’image fantasmée de gigantesques « containers » d’archives enterrés, en particulier, dans les caves de la bibliothèque du Congrès de Washington et au seuil desquels veilleraient des milices de templiers freudiens aussi cupides, féroces, rusés, que leur maître vénéré.L’œil du valet de chambre, enfin : c’est la méthode, toujours bizarre, qui consiste à partir des supposées petites faiblesses de l’homme (son habitude, p. 169, de choisir lui-même, allez savoir pourquoi ! le nom de baptême de ses enfants « en rapport avec sa mythologie personnelle »), de ses non moins supposés travers (désir de gloire, cyclothymie, arythmies cardiaques, tabagisme, humeur vacillante, petites performances sexuelles, peur des trains – je n’invente rien, ce catalogue de « tares » se trouve aux pages 102 et 157 du livre), éventuellement de ses erreurs (telle dédicace à Mussolini, connue depuis toujours mais qu’Onfray semble découvrir et qui, tirée de son contexte, le plonge dans un état de grande frénésie) pour conclure à la non-validité de la théorie dans son ensemble : le sommet est, d’ailleurs, atteint quand, à la toute fin (p. 522), il s’appuie carrément sur le livre de Paula Fichtl, c’est-à-dire sur les souvenirs de la propre femme de chambre, pendant cinquante ans, de la famille Freud puis de Freud lui-même, pour dénoncer les accointances avec le fascisme autrichien de l’auteur de « Moïse et le monothéisme ».Tout cela est navrant.J’ai peine, en tous les sens du terme, à retrouver dans ce tissu de platitudes, plus sottes que méchantes, l’auteur des quelques livres – entre autres, « Le ventre des philosophes » – qui m’avaient, il y a vingt ans, paru si prometteurs.La psychanalyse, qui en a vu d’autres, s’en remettra. – Michel Onfray, j’en suis moins sûr. La réplique d'Alain de Mijolla à OnfrayPar Alain de Mijolla, publié le 01/03/2010 à 08:01 - mis à jour le 09/03/2010 à 10:42
Source
http://www.lexpress.fr/culture/livre/la-replique-d-alain-de-mijolla-a-onfray_853212.html
Pour l'historien de la psychanalyse, auteur de l'étourdissant feuilleton Freud et la France, l'entreprise de Michel Onfray relance sans le renouveler un procès ouvert depuis 1915. Je n'ai pas l'habitude des polémiques car je respecte les auteurs pour les idées qu'ils expriment, même si, comme c'est le cas ici, je ne suis pas en accord avec elles. Dès le début de la découverte et de la propagation de la psychanalyse par Freud, les critiques et les oppositions se sont manifestées. Dans un premier temps, c'est la personne même de Freud qui a été l'objet de plaisanteries salaces, voire d'insultes l'assimilant à un pornographe, en particulier dans les milieux bourgeois de Vienne. Ensuite les critiques se sont progressivement portées sur les théories freudiennes qui étaient considérées comme fumeuses et mystiques, bien loin du solide bon sens et de la scientificité qui caractérisaient la pensée psychiatrique ou, plus directement, l'oeuvre de Pierre Janet en France. Je me bornerai essentiellement, ayant parcouru les flots d'objections que Michel Onfray déverse sur Freud et la psychanalyse, à lui montrer qu'il n'est pas un novateur en la matière. Mon livre se limitant aux années 1885-1945, je n'évoquerai pas les derniers auteurs de propos semblables, comme le professeur Debray-Ritzen, Gérard Zwang, l'abbé de Nantes, Le livre noir de la psychanalyse, etc., car ils sont plus récents. Je ne donnerai qu'un éclairage sur la nature des critiques qui n'ont guère changé de thèmes et se sont succédé depuis près de cent ans... Il n'y a rien de nouveau sous le soleil. Laissons la parole à ceux qui ont peut-être servi de modèles à Michel Onfray. C'est un des défauts principaux de l'Histoire que de rappeler à chacun de ceux qui pensent avoir découvert l'Amérique qu'un certain Christophe Colomb est passé avant eux. Le désir d'originalité pousse au refoulement, parfois sous le masque de la méconnaissance, des leçons du passé et de leurs suites. Une discussion ouverte par Edouard Claparède en 1915 va marquer un des grands reproches que l'on fait habituellement à Freud. On critique sa notion de sexualité infantile qui lui fait écrire : "Dire que le plaisir de téter est un plaisir sexuel n'a à mon avis aucun sens." En 1922, le Dr Charles Trepsat, indulgent mais prudent, écrit : "J'estime qu'en présence d'un malade (tout au moins d'un Français ou d'un Latin), il faut faire de la psychanalyse sans le crier sur les toits, sans le dire au patient lui-même ; il faut penser toujours à ce procédé thérapeutique, l'employer quelquefois et n'en parler jamais." Des attaques à la mesure de l'enthousiasme qu'elle éveille Mais l'un des premiers ardents polémistes, en France, est le professeur Yves Delage, psychologue qui écrit en 1918, dans la revue La Table ronde: "Le psychoanalyste est un juge d'instruction, un inquisiteur doublé d'un érotomane et c'est parce qu'il a trouvé dans l'exercice de la psychoanalyse la satisfaction de sa manie érotique qu'il aime son mal, comme le dipsomane, le cocaïnomane, le morphinomane aiment leur poison." Il y reviendra en 1920, peu désireux de lâcher son os : "Freud restera le type d'un esprit faux qui, asservi à des conceptions systématiques, s'est laissé entraîner à attribuer un caractère universel à un facteur qui ne s'applique qu'à des cas particuliers, ce qui l'a entraîné à torturer les faits et les explications pour les faire cadrer avec son idée préconçue : il a attribué à la mentalité humaine une déformation tératologique dont il était la principale victime." Ce reproche sera souvent répété. Comme les remarques que fait, dès février 1923, Emile Adam dans sa thèse de doctorat en médecine : "Ce dogme (le mot est de M. P. Janet qui avec d'autres auteurs, en particulier des auteurs américains, a paru quelque peu étonné du "caractère mystique de ces études sur la sexualité") a ses rites et ses adeptes, nous allions dire ses prêtres." Il ajoute : "Aussi avons-nous été étonné de ne voir nulle part Freud faire allusion à la confession. Il déclare, dans La psychologie de la vie quotidienne, être israélite ; ce n'est point là, ce nous semble, une raison pour un psychologue averti d'ignorer la psychologie du catholicisme." Les attaques vont de pair avec le début de la pénétration de la psychanalyse en France grâce à l'enthousiasme qu'elle éveille chez les littérateurs. D'où le concert de remarques du type de celle relevée dans Le Phare de Nantes sous le titre "Un nouvel asphyxiant" : "Le dernier en date, dont les émanations menacent de nous suffoquer, c'est la fameuse psychanalyse du fameux professeur Freud, Viennois de naissance, certes, mais d'âme combien boche." Quant aux littérateurs, "après avoir proustifié, on va freudifier... Naguère nous nous contentions de subir notre lot annuel du roman libidineux. [...] Maintenant outre que cela sera sale, ce sera embêtant." Israélite... Boche... Freud remarquera à propos de ces résistances, en 1925 dans la Revue juive: "Je ne peux, sous toutes réserves, que soulever la question de savoir si ma qualité de Juif, que je n'ai jamais songé à cacher, n'a pas été pour une part dans l'antipathie générale contre la psychanalyse. Pareil argument n'a été que rarement formulé expressément." Léon Daudet, le fils d'Alphonse, écrivain et éditorialiste de la revue monarchiste qu'il a contribué à fonder, L'Action française, bien connue pour ses opinions d'extrême droite qui feront le lit de la collaboration durant l'occupation par les nazis, déclenche un combat vigoureux. Il débute hardiment en février 1926 une série d'articles par celui intitulé "Un bobard dangereux : freudisme et psychanalyse" et annonce : "Je compte m'occuper ici du fatras de M. Freud, en sachant parfaitement que j'enfonce des portes ouvertes et que je piétine de la vaisselle cassée. "Il est des morts qu'il faut qu'on tue", dit un excellent aphorisme. [...] ce plagiaire de Freud, cet abruti - car c'est le seul terme qui lui convienne." Deux jours plus tard, il précise dans "La putréfaction intellectuelle. Le cas de Freud" le point qui lui semble sensible : "La "tarte à la crème" - et quelle crème empoisonnée ! - de Freud, c'est le refoulement. [...] Mais où les symptômes de putréfaction intellectuelle apparaissent le plus nettement, c'est dans le pansexualisme de Freud." Un commentaire enthousiaste de ces articles, paru dans L'Express du Midi, ajoute : "Je ne pense pas que l'on ait fait suffisamment observer que le freudisme n'était au fond, sous son masque pseudo-scientifique, qu'une caricature odieuse et niaise du dogme catholique. [...] Il n'y a qu'une réponse à faire à tout ce qui vient de Bochie : celle de Mussolini." En effet, après la marche sur Rome en 1922, Mussolini a établi sa dictature en décembre 1925. Qu'en pensait Freud ? Il l'avait auparavant précisé en 1923 par une réflexion à Edoardo Weiss, son représentant en Italie : "Ne doutez pas que l'avenir appartiendra à la psychanalyse, même en Italie. Seulement il faudra attendre longtemps", et par une lettre à George Viereck en 1928, dans laquelle il évoque son incapacité à "éprouver une profonde sympathie [pour des]despotes tels que Lénine ou Mussolini". Sans doute ces termes complètent-ils sa réponse de 1933, avec l'envoi de Pourquoi la guerre ? : "De la part d'un vieil homme qui reconnaît dans le Duce le héros de la civilisation", au livre que Mussolini lui avait adressé avec les mots suivants : "A Sigmund Freud che renderà migliore il mondo, con ammirazione e riconoscenza." Il lui fallait certes saluer son appui aux recherches archéologiques, mais aussi avant tout préserver Edoardo Weiss et la psychanalyse des risques que leur faisaient courir les fascistes et l'Eglise catholique. En 1939, c'est A. Savoret qui, dans son livre L'inversion psychanalytique, proclamera que "[la psychanalyse] fait des disciples de Freud des ennemis irréductibles de la religion, de la sainteté du foyer, de l'autorité spirituelle parentale. [...] La psychanalyse est liée aux Loges maçonniques et caractérisée par la "griffe" aisément reconnaissable qui a marqué ces fronts bas du Sceau de la Bête. [...] En ce qui concerne l'attitude antireligieuse, il est au moins curieux de constater le touchant accord, quant au fond, entre le Juif Sigmund Freud et le super Aryen Hitler". Un ensemble de faits depuis longtemps réunis Mon relevé s'arrête là car la guerre et l'Occupation font tomber un silence glacial sur Freud et la psychanalyse. Dans le prochain volume que j'entreprends, La France et Freud, 1946-1981, je rajouterai quelques couches à ces peintures grimaçantes qui sont balayées par le vent de l'Histoire. Des alternances de mode et de rejet ont toujours marqué l'existence de la psychanalyse et je rappellerai que Freud, en 1914, avait déjà écrit : "Au cours des dernières années, j'ai pu lire peut-être une douzaine de fois que la psychanalyse était à présent morte, qu'elle était définitivement dépassée et éliminée. Ma réponse aurait pu ressembler au télégramme que Mark Twain adressa au journal qui avait annoncé la fausse nouvelle de sa mort : "Information de mon décès très exagérée". Après chacun de ces avis mortuaires, la psychanalyse a gagné de nouveaux partisans et collaborateurs ou s'est créé de nouveaux organes. Etre déclaré mort valait quand même mieux que de se heurter à un silence de mort." Comme leurs prédécesseurs, la plupart de ses adversaires publiés récemment voient dans la "Psychanalyse" un mode de pensée clos qui est totalement condamné à partir du moment où l'on trouve son maillon faible. Je ne m'accorde pas avec eux car j'estime que les idées de Freud nous conduisent à une mise en doute systématique, à la Montaigne, de tous les phénomènes psychiques et de toute explication, de quelque côté qu'elle vienne. A partir du moment où l'on met un point final au doute en affirmant : "Freud est un escroc", "les interprétations sont arbitraires" ou "la psychanalyse est...", on rejoint le "Tu es un voleur !" dans lequel Jean-Paul Sartre voyait une fermeture du destin de Jean Genet. A l'affirmation, par Michel Onfray, de la propagation d'une "version féerique d'un homme génial découvrant tout seul le continent vierge de l'inconscient", je répondrai par la réflexion que Freud fit en 1930 à Smiley Blanton, l'un de ses analysés. Il y reprochait à bien des critiques : "On dirait que pour eux l'analyse est tombée du Ciel ou sortie de l'Enfer, qu'elle est figée, tel un bloc de lave et non pas construite à partir d'un ensemble de faits lentement et péniblement réunis au prix d'un travail méthodique." Je ne cite pas les réponses qu'après Freud les psychanalystes ont apportées aux attaques portées à la théorie et à la pratique de l'analyse. Elles sont tout aussi nombreuses. Je ne fais aussi qu'évoquer l'intérêt que je prendrais à rechercher chez ses détracteurs l'origine d'un tel attachement à Freud. La haine n'est-elle pas le second visage de l'amour ? Les pensées de Freud et leurs suites ont été le ferment subtil de l'évolution qui a ouvert aux cent années de leur parcours au coeur de la civilisation occidentale une liberté nouvelle de parole, particulièrement sur la sexualité adulte et enfantine, un chemin vers l'émancipation des femmes, une réflexion sur les motifs inconnus qui inspirent nos actes, sur la précarité de la vérité de nos souvenirs, sur d'autres façons d'écrire notre histoire... Le temps de la séance analytique en est le lieu permanent de redécouverte. J'emprunterai une autre conclusion à la sagesse arabe : "Les chiens aboient, la caravane passe."Onfray. Jeux de cirque et tapage médiatiquePar Roland Gori, psychanalyste. Les Français manquent cruellement d’espoir, de confiance dans l’avenir, et craignent pour le pain quotidien de leurs enfants. Selon certaines enquêtes, un Français sur deux craint de se retrouver SDF, plus de deux Français sur trois pensent que l’avenir de leurs enfants sera pire que le leur. C’est une crise dans le ciel de la démocratie qui, tel le nuage de l’éruption volcanique, obscurcit l’horizon de nos contemporains. Jaurès n’a cessé de nous mettre en garde : le pire pour une démocratie, c’est son manque de confiance en elle-même. Mais à défaut de pain, notre « société du spectacle », friande, avide d’émotions collectives marchandises, nous offre des jeux de cirque, des combats de gladiateurs bien saignants, une sorte de télé-réalité, comme aujourd’hui le « déniaisage » de Michel Onfray par le Livre Noir de la psychanalyse, ce pot-pourri de textes hétéroclites qui nous invitait-il y a cinq ans à « vivre, penser et aller mieux sans Freud ». Quel programme ! J’avoue pour ma part avoir d’autres œuvres littéraires comme sources de fantasmes érotiques. Mais à chacun les siennes. À chacun son auteur aussi, dès lors que son œuvre tombe dans le domaine public sans que pour autant il doive être nécessairement traîné dans la boue. Le Kant de Michel Onfray n’est pas le mien, pas davantage que son Nietzsche. Et encore moins son Freud. Chacun a l’auteur qu’il mérite, comme aurait pu dire Mme de Staël. Le problème est pour moi dans cette affaire le « tapage médiatique » dont elle fait l’objet par la promotion d’un brûlot d’un auteur récemment « déniaisé » de la séduction freudienne. Cette mise en scène médiatique vient enfumer le paysage philosophique et culturel des débats d’idées, des exigences sociales et des priorités politiques que pourtant la situation actuelle exige. Beaucoup de bruit pour rien… voilà qui est important. Important en tant que symptôme de notre civilisation. Important comme révélateur de cette réification des consciences propre à nos sociétés dans lesquelles la forme marchande est la seule forme qui détienne une valeur, fixée par un prix, pour pouvoir exercer une influence décisive sur toutes les manifestations de la vie sociale et culturelle. Or que valent les propos de Michel Onfray sur Kant ou sur Freud en dehors de l’audimat que ses éditeurs suscitent et que sa posture médiatique produit ? N’est-ce pas d’ailleurs au nom du « chiffre de ventes » de ses ouvrages que le président Sarkozy l’avait sollicité pour débattre au moment de la campagne présidentielle ? Le problème du fétichisme de la marchandise et de son spectacle est un problème spécifique du capitalisme moderne et de la société qu’il formate. Cette universalité de la forme marchande et de la société du spectacle est présente de pied en cap dans la structure et la fonction de la mise en scène médiatique et promotionnelle du livre d’Onfray. La « dislocation » de l’œuvre freudienne et de la figure de Freud ne saurait être culturellement efficace hors les effets de cette promotion marchande et spectaculaire. Rien de neuf ne s’y trouverait qui n’ait déjà été dit. De quelle pratique thérapeutique pourrait s’autoriser Michel Onfray pour juger de l’efficacité de la méthode psychanalytique ? De quels travaux d’exégèse historique pourrait-il s’autoriser, si ce n’est de ceux qui ont barboté dans le marigot du Livre noir ou dans les mensonges freudiens de Benesteau ? L’efficacité de cette dislocation ne saurait donc procéder que de l’objectivation marchande, dont un auteur comme Georg Lukacs nous avait naguère appris qu’elle s’accompagnait presque toujours d’une « subjectivité » aussi « fantomatique » que la réalité à laquelle elle prétend. Tel est le mythe freudien propre à un auteur « déniaisé » par « ces mages noirs qui rêvent d’enterrer la psychanalyse » (1). La vérité n’a plus chez Onfray le statut de « cohue grouillante de métaphores » que Nietzsche nous invite à dénicher dans chacune de nos théorisations, mais le principe moral et transcendantal, au nom duquel il « déboulonne » et répudie les premiers émois de sa pensée adolescente par le truchement de la figure de Freud. C’est ici le spectacle d’une pensée réifiée dont le savoir est « mis hors d’état de comprendre la naissance et la disparition, le caractère social de sa propre matière, comme aussi le caractère social des prises de position possibles à son égard et à l’égard de son propre système de formes » (2). Un dernier point. À lire « la réponse de Michel Onfray » à Elisabeth Roudinesco à la suite de l’analyse critique du livre, on ne peut que constater que le niveau est tombé très bas, très bas au-dessous de la ceinture. Quand je dis au-dessous de la ceinture, je n’évoque en rien cette sexualité que Freud élève à la dignité d’un concept à partir d’une méthode, sexualité qu’il inscrit dans la généalogie de l’éros platonicien ; je parle tout simplement du sexe et de ses positions que les propos graveleux des hommes convoquent à la fin des agapes, dans les coulisses des matchs sportifs ou dans l’excitation des salles de garde. Si on veut bien, après Freud, considérer que les commentaires d’un rêve appartiennent au texte même du rêve, on mesure dès à présent le niveau de réflexion philosophique de l’ouvrage de Michel Onfray qu’une stratégie éditoriale réussie a porté à l’avant-scène médiatique. Si l’on devait mesurer la valeur de la réflexion intellectuelle et philosophique d’une société à la stature des concepts qu’elle construit et aux commentaires critiques des œuvres qui l’ont précédée, on pourrait légitimement s’inquiéter de la dégradation intellectuelle de la nôtre. (1) Roland Gori, l’Humanité du 9 septembre 2005. (2) Georg Lukacs, 1960, Histoire et conscience de classe. Paris, Éditions de Minuit, p. 134. Michel Onfray, la rationalité freudienne bien mal comprise
Ce qui est stupéfiant dans le dernier livre de Michel Onfray, c’est, pardelà la petitesse des attaques ad hominem et les erreurs qu’il comporte, l’inaptitude de son auteur à prendre la mesure du statut théorique de la doctrine freudienne. Il y voit une immense affabulation imaginaire d’un penseur malade projetant ses travers psychiques dans une conception de l’homme et de la maladie mentale, déformant la réalité humaine à la manière des illusions religieuses et se contredisant dans ses affirmations successives. C’est oublier une chose cruciale, la rationalité de cette doctrine, qui appartient sans conteste aux sciences humaines et que l’on a rarement aussi mal comprise. Freud a d’abord eu une formation de médecin et, s’il a dépassé l’approche biologique des pathologies mentales, ce n’est pas pour verser dans l’irrationnel, c’est parce qu’elle ne lui paraissait pas pouvoir rendre compte de la psychologie humaine, normale comme pathologique, du sens propre de nos conduites et, du coup, nous aider à guérir nos trop nombreuses souffrances. Et il a eu ce trait de génie de penser que, pour comprendre le psychisme humain en général, il fallait étudier les états maladifs dans lesquels sa structure se dissocie et fait apparaître ses composantes ultimes. Il l’a fait dans le cadre d’une pratique thérapeutique qui était comme l’équivalent, pour sa recherche théorique, de l’expérience dans le cas des sciences naturelles : formulant des hypothèses et les modifiant quand elles lui semblaient échouer à faire comprendre et à permettre de guérir, les convertissant en thèses seulement quand elles réussissaient inversement ce double test, théorique et pratique. C’est dans ce contexte qu’il a pu fustiger la prétention intellectuelle de ceux qui refusaient de voir dans sa découverte de l’inconscient un acquis scientifique définitif (voir ce qu’il en dit dans Métapsychologie), au-delà de son anticipation spéculative par quelques philosophes antérieurs… en particulier Nietzsche, dont Onfray se prétend un continuateur et dont il devrait, ici, davantage se souvenir ! Et c’est cette même démarche rigoureuse, modeste et patiente, loin des affirmations péremptoires a priori, des coups de force idéologiques et des illuminations irrationnelles, qui a présidé à ses autres hypothèses théoriques ayant valeur de « faits scientifiques » (mais un fait scientifique ne se réduit pas à un fait d’observation, jamais !) : l’appareil psychique (ça, moi, surmoi), le rôle structurant de l’enfance, l’importance incontournable de la sexualité dans la construction de la personnalité et dans toute notre vie, le complexe d’OEdipe, enfin, dont la prise en compte permet de rendre intelligible, en dehors des névroses individuelles, tout un pan des productions imaginatives de l’homme, des mythes à l’art, en passant par la religion, lesquelles l’avouent à leur manière si on sait les interpréter, voire l’expriment crûment. Freud se réclame donc de la science en permanence, contre les illusions de la conscience spontanée que nous avons de nous-mêmes, et c’est pourquoi sa doctrine a évolué : ce n’est pas qu’il se soit contredit, comme le prétend Onfray, mais c’est parce que le propre d’une théorie scientifique, contrairement à un système philosophique, est de se rectifier – par exemple s’agissant de la conception de l’appareil psychique et de l’hypothèse tardive de l’existence d’une pulsion de mort – pour mieux nous mettre en face du réel, ce réel dont il prétend sans aucune raison que Freud voudrait nous le faire oublier alors que son projet est de nous aider à mieux le vivre. L’inventeur de la psychanalyse est le plus grand éclaireur de la réalité humaine qui soit (avec Marx et, en un sens, avec Nietzsche), celui qui nous a révélé que, comme l’a dit Groddeck, au fond de l’homme il y a « Cela », c’est-à-dire des pulsions, des désirs que nous refoulons, dont nous ne devons pas nous culpabiliser mais que nous devons au contraire assumer pour mieux les maîtriser et éviter leurs effets pathogènes. Son apport n’est pas pour autant intangible, et il l’a reconnu lui-même. La biologie pourrait redonner au déterminisme génétique une importance qu’il a peut-être sous-estimée et l’on peut, par exemple, « revisiter la psychanalyse » comme l’a fait Gérard Mendel, en interrogeant intelligemment quelques-uns de ses concepts ou certaines de ses extrapolations anthropologiques, en particulier dans le champ de l’histoire, qui ne se résume pas au conflit d’Éros et de Thanatos. Mais encore faut-il être compétent dans son domaine et ne pas légiférer sur elle de l’extérieur, en philosophe roi qui croit mieux savoir ce que la science doit savoir à sa place. Cela veut dire aussi qu’il faut travailler dans la durée et non chercher à publier à tout prix pour se faire mousser : la recherche théorique authentique suppose du temps et, donc, que l’on se fasse parfois oublier des médias. Source : http://www.marianne2.fr/philippepetit/Onfray-suite-a-la-recherche-du-lobby-lacano-freudien_a29.html
Philippe Petit Onfray (suite) ... à la recherche du lobby lacano-freudien
Je remercie tous les lecteurs de répondre si précisément à ma note sur Michel Onfray. L’un d’eux parle du « lobby lacano-freudien ». Je répondrai aujourd’hui sur ce point. Car en ce domaine, il faut se méfier des amalgames. Qu’il y ait dans cette nouvelle affaire Freud des conflits d’intérêts, nul ne le contestera. Parler de « lobby » est toutefois exagéré. Ou alors, il existe un lobby pour chaque profession. Les sciences cognitives ont leur lobby, les partisans des Thérapies Cognitivo-comportementales, aussi. L’important selon nous est de distinguer les conflits de doctrines et les conflits d’intérêts. Ils se recoupent souvent. Et c’est le propre des disciplines de vouloir conquérir une sorte d’hégémonie. Dans le livre de Michel Onfray, c’est la philosophie qui joue ce rôle, contre l’anti-philosophie, celle de Freud ou de Lacan. Michel Onfray, un shérif de l’esprit ou version 2010 de Portnoy et son complexe _____________
De tous les textes reçus sur l’ouvrage de Michel Onfray « Le Crépuscule d’une idole, l’affabulation freudienne » Ed.Grasset (avril 2010), c’est bien celui d’Elisabeth Roudinesco, « Pourquoi tant de haine, (suite) », qui est essentiel. Il nous montre que se livre présente aussi bien des références manquantes, erronées, que des violentes critiques autoproclamées, infondées, émaillées de fausses accusations, que des prises en compte suspectes de basses rumeurs et d’énormités malveillantes. A son titre, l’historienne de la psychanalyse en France y adjoint le mot ‘suite’ pour indiquer au lecteur que c’est bien la suite du « Livre Noir de (contre) la psychanalyse », sur lequel Onfray dit amplement s’appuyer, et qui vient d’être réédité ce 23 avril, comme par hasard… « Livre noir… » et ses 40 auteurs dressés contre la psychanalyse pour éviter dés leur titre de soutenir ouvertement leur méthode de soins si bénéfiques soi-disant, en n’inscrivant pas leur travail dans un « Livre blanc du cognitivo-comportementalisme », car un tel énoncé, plus déontologique à l’évidence, les mettrait face à leur vide théorico-clinique qu’ils voudraient masquer par des attaques où ne se révèle rien d’autre que l’échec de leur formation psychanalytique et dont ils sont pourtant seuls responsables. Etre dés lors contre Freud, les psychanalystes, la psychanalyse, signe leurs limites et leur manque d’auto-questionnement sur leur parcours personnel. Oui, pour des médecins, des psychologues, des philosophes, des éducateurs et d’autres encore, se former à la psychanalyse obéit à cette règle toujours aussi vivante, de faire d’abord sa propre psychanalyse personnelle auprès d’un praticien déjà formé, qui, lui-même, membre d’un groupe analytique, décide, autre exigence admise de tous, de continuer sa formation, dans des colloques, séminaires, groupes de travail en confrontant sans cesse auprès d’autres psychanalystes leurs avancées et leurs impasses cliniques, éthiques, théoriques.
‘Suite’ donc au « Livre noir », l’ouvrage de M.Onfray est à peu près dans la même veine en se posant comme provocateur en pleine recherche de scandale où il occuperait le premier rôle sur la scène médiatique… Je dis à peu près, parce que M.Onfray contrairement à bon nombre des auteurs du Livre noir, n’est en rien un praticien confronté quotidiennement à une écoute de patients. Lui il se veut seul contre tous, pour crier gare aux graves griefs envers un Freud bien posé en idole, bien tout seul lui aussi. Face à face, d’homme à homme…comme dans un western d’intellos, où Onfray, ayant bien gravi les échelons sociaux, a malgré tout, quelque aigreur, semble-t-il, de n’avoir pas été un certain Freud afin de se saboter lui-même pour rendre caduque sa pratique en le disqualifiant comme penseur. Penseur d’une doctrine bourrée soi-disant de contradictions au point de dresser Freud contre Freud … Soit en lui-même, Michel O., seul comme et contre lui-même…
Voilà pourquoi c’est en tant que lecteur des philosophes qu’il mène son combat virulent et plein de haine pour écrire la vraie histoire et défaire « la légende » du Père de la psychanalyse. Tel Alan Lade face à nous tous dans le western culte « L'Homme des vallées perdues » (‘Shane ‘,1953, de G.Stevens), Onfray se voit, se posant en shérif de notre esprit, seul face à tous ces petits trafiquants psychanalystes qui l’insupportent car ils « empochant les bénéfices de [leur] petit commerce freudien ». Un vrai justicier du monde de l’esprit. Pour son attaque, il situe donc Freud s’attaquant lui-même en le posant uniquement comme philosophe détestant la philosophie… et le tour est joué… Certes Freud est enseigné comme tel dans les lycées… Peut-être est-ce un apport de ce « Crépuscule… », que de faire préciser désormais que toute l’œuvre de Freud est surtout celle d’un praticien de la psychanalyse qui n’hésitait pas à abandonner telle ou telle théorisation si son écoute clinique le lui indiquait…Ainsi dans son texte de 1910 à propos d’Un souvenir d’enfance de Léonard de Vinci » c’est sa position vis à vis du refoulement de la sexualité infantile, point majeur de sa découverte, qu’il vérifie et modifie en avançant combien la sexualité active de type infantile, si elle est précoce, est « néanmoins non perverse ».
Oui, préciser combien la psychanalyse peut être une voie des plus thérapeutiques, et notamment auprès de nos lycéens et écoliers en proie à la découverte de leur propre sexualité, tout particulièrement quand apparaissent parfois des symptômes de souffrance psychique. Ce n’est pas M Onfray qui pourra le contredire, lui qui évoque combien la lecture de Freud l’a aidé dans son adolescence à réguler son choix sexuel (in Philosophie Magazine-TV, avril 2010, Dialogue avec J-A.Miller ).
Onfray, comme dans une cure analytique, eh oui eh oui !, se mettrait dans la tête du Freud qu’ll a lu/relu quelques mois ou depuis des années (1973 dit-il), au point de vouloir en vain savoir soi-disant tout de lui jusqu’au tréfonds de son être, de son « crâne d’enfant » (p/95 in « Crépuscule »)… Et de lui reprocher d’exister encore aujourd’hui, de ne s’être pas supprimé dés lors qu’il a commis tant et tant de fautes, de celles qu’un fils reproche des années durant à son propre père, d’avoir existé, d’avoir même était bien sourd, comme on l’entend si souvent en séances au moment où une cure est dans son rythme de croisière, reproche du genre combien tel père était absent, ou trop présent, ou salaud moyen, ou trop collant, pas assez décisif…. Beaucoup d’entre nous reconnaissent qu’une cure permet de savoir beaucoup mieux et plus intensément combien le pacte contre la haine entre père et fils nécessite beaucoup de temps pour qu’ils se regardent enfin, qu’ils se serrent enfin la cuillère. Et c’est souvent au moment où le fils devient lui-même père à son tour que cela se résout le plus souvent. Ou au contraire si ce pacte ne peut pas ou mal voir le jour, alors ça vire au pire, et cet homme-là, père enfin, le voilà à frapper à la porte de celui qu’il choisit comme devant être son psychanalyste…. Tant la violence anti-père se redouble sans cesse, et réclame un espace d’écoute pour y adresser sa parole avec tout le poids d’impossible régulation de cette haine-là pendant un temps plus ou moins long.
Il n’y a pas à mon sens de haine de soi, ni pour l’auteur du « Crépuscule… », ni pour personne. La haine de soi est un moment trop facilement décrit, notamment concernant les victimes de tous bords, les juifs en tête bien sur, qu’Onfray ne semble pas oublier de citer en bonne place[1]. Suspicion créée chez le lecteur au point que ce serait sur leur propre dos que pèserait la responsabilité du drame européen qui leur est arrivé. Il nous rend aussi perplexes par la suspicion qu’il crée encore chez le lecteur à le mettre en mesure, en proie, de savoir s’il doit ou non entendre une complicité avec le nazisme de la part de Freud représenté par Ernst Jones son 1er biographe dans ses négociations avec les instances nazies de la psychanalyse depuis Hitler au pouvoir, celles de l’Institut Mathias Goering à Berlin. Alors qu’entre autres raisons, comme celle de savoir quoi faire dans de pareilles conditions de répression politique extrême, existe aussi, et il faut le dire ici, la raison suivante : celle d’ordre pratique et éthique de cliniciens, soit de ne pas fermer trop vite avant de partir en exil, la Polyclinique de Berlin afin de transformer en dossiers de névrosés, les dossiers de patients psychotiques pris en charge par des psychanalystes berlinois, qui sous ce qualificatif risquaient fort d’être gazés (cars à gaz dans l’Aktion T4), assassinat qui leur était destiné en tant que «vie sans valeur de vie ».. Oui, la philosophie qu’utilise Onfray comme une arme anti-Freud est –elle de la philosophie si elle ne cesse pas son tir de barrage devant de tels enjeux que notre héros du jour semble ne pas prendre en considération d’aucune manière ? Ajoutons, pour donner quelque aperçu de la situation d’une extrême difficulté, pour la survie sous le IIIe Reich de la découverte de la psychanalyse, que ces instances nazies lui donnent le nom de TiefenPsychologie – psychologie des profondeurs- pour ne plus la soutenir de son nom d’origine puisque c’est une « science juive ».
Prenons bien la mesure des choses que M. Onfray ne semble pas avoir. Ce à quoi aboutissent quand même les hésitations tant reprochées dans « Crépuscule » produites par les négociations entre des psychanalystes de Berlin et les instances nazies c’est le contre coup et la rapidité avec laquelle la Gestapo va occuper lors de l’Anschluss de l’Autriche le 12 mars 1938, dés le lendemain 13 mars, l’appartement de Freud. On ne peut pas juger d’un tel mode de se défendre dans le calme d’aujourd’hui contre une telle destruction réelle dans la réalité qui avait lieu en Europe en voie d’être nazifiée de plus en plus.
C’est pourquoi il y a de quoi être choqué qu’Onfray en vienne à exhiber la face d’une certaine haine populiste, civile, en un montage textuel pour se persuader lui-même de plus en plus loin en lui de la faute de Freud, de l’accuser d’affabulation pleins tubes tout au long de son œuvre. Mais, au plus simple, pourquoi donc s’occuper, se prendre la tête à ce point d’un Freud si mauvais ‘philosophe’, dont l’œuvre est truffée de choses hétéroclites, et non pas homogènes comme le sont les œuvres de Nietzsche, Marx , Kant dont Onfray se veut lecteur critique et (bien) nourri de leur pensée… ? Et ainsi de l’attaquer sur ses bases : celle du père. Ce montage est nécessaire à Onfray pour le faire savoir au monde entier en prenant à témoin son public, composé maintenant de centaines de milliers de lecteurs, selon les succès de librairie de notre chercheur de scandales. Sa méthode, dit-il, est venue du « Gai Savoir » de Nietzsche, mais là sans plaisanterie, ni ruse et pourtant avec beaucoup de vengeance, au point que de cette méthode (toute œuvre de philosophe est liée de facto à la biographie de son auteur philosophe), Onfray/Alan Lade en charge son colt et tire. Seul contre tous... à Caen. Une question ici : qu’en disent nos philosophes si prompts à nous éclairer sur notre temps ?
Nous voilà obligés de chercher pourquoi tant de haine, pourquoi s’occuper d’un Freud si fautif, si rétracté égoïstement sur son complexe d’Oedipe personnel, si personnel que lui seul en est le lieu, la victime, le coupable… Alors que cet Œdipe des psychanalystes vient tout droit de Sophocle que Freud cite dans son « Interprétation des rêves », ouvrage qui ouvre notre XXème siècle. Où il prend d’infinies précautions pour impliquer son lecteur, par exemple dans ces pages 216 et sq, par ce qu’il nous dit des « rêves de mort de personnes chères ». Là Freud démontre l’existence dans la culture de ce désir de meurtre d’un père à partir de la tragédie grecque d’Œdipe Roi. La connaissance de la mort chez l’enfant, dit-il, s’effectue du fait d’un tel désir de meurtre inconscient. Oui, l’Œdipe que vous récusez, Mr Onfray, existe pour tous.
Qui a fait une analyse le sait, un névrosé le sait, les analystes le disent. Oui, ‘le disent’ parce que le complexe d’Œdipe est lié au fait de parler. et parler est le propre de ce qui s’appelle langage. Et le langage nous dirige, il est le paradigme de notre temps, de ce quelque chose qui a lieu depuis le début du XXe siècle, d’être ce paradigme actuel qui gére notre époque, oui le langage, dont des œuvres surgissent et en témoignent : cinéma, Mallarmé, psychanalyse, Marx , Marcel Duchamp etc… naissent en ce siècle et s’y déploient. Et l’Europe des totalitarismes, ces Anti-Lumières veulent sa destruction. C’est exactement ce qu’Onfray voudrait faire dans son approche. Et quelle que soit la séduction médiatique qui l’accompagne, son « Crépuscule… » n’alimente pas du tout une formalisation constructive du Malaise dans la civilisation/culture, ouvrage le plus philosophique de Freud (écrit en 1929), et sur lequel Onfray ne semble se pencher que pour ignorer –est-ce volontaire ? – que le mot culture chez Freud veut dire qu’il y a un Malaise que la psychanalyse définit du fait d’un discord radical, à la racine, entre l’individu et le collectif, ente le sexuel et le fait que l’humain est un être parlant.
Cela est déjà dit dans ce texte que Freud expose lors de sa première conférence au membres juifs du B’naî-Brith de Vienne sur « Nous et la mort », repris dans son œuvre daté de 1916 sous le nom d’« Actuelles sur la guerre et sur la mort » où il avance combien dans « l’inconscient nous ne sommes qu’une bande d’assassins ». Entendons : que si dans l’inconscient le désir de meurtre y est présent, sous forme de fantasme de désir, l’Etat en guerre l’est dans le réel, et entre les deux l’individu ne peut que sublimer ce désir en partant au combat le matin la fleur au fusil et rentrer le soir enterrer ses morts. Et qu’en temps de paix, l’individu ne peut produire qu’un pacte avec cette agressivité, et en mettre la libido à la disposition de l’amour…
Toujours actuel, ce texte immense de Freud reste toujours centré par l’existence du conflit sexuel au sein de notre psychisme, il se retrouve indicé, poinçonné, marqué par l’horreur des camps nazis. Au point que le terme de néantisation de notre subjectivité dans notre civilisation est plus proche de ce que Freud voulait nous indiquer par ce terme de Malaise.
Il y a une torsion s’aggravant dans la lecture qu’Onfray a de Freud au fil des pages de son ouvrage. L’affaire de la dédicace à Mussolini en est un exemple. Notre héros de la culture de l’Université populaire de Caen se gausse ici de façon ridicule. Je cite la dédicace de Freud étudiée p 524/25 du « Crépuscule » : «A Benito Mussollni, avec le salut respectueux d’un vieil homme qui reconnaît en la personne du dirigeant un héros de la culture. Vienne le 26 avril 1933 ».
Oui Onfray ne peut pas voir que le mot culture est à entendre au sens de Freud puisque c’est lui « qui signe » comme notre auteur se régale de le dire, et que le livre dédicacé, daté de 1932 est « Pourquoi la guerre » , texte qui fait pendant à celui cité plus haut « Actuelle sur la guerre et sur la mort » de 1916 et à « Malaise dans la civilisation/culture daté de 1929 dont « Pourquoi… » est la reprise dans un échange avec A.Einstein sur l’invitation de la plus haute instance internationale d’alors, la SDN … Comment, et avec l’humour qui lui est propre, mieux indiquer à un dictateur sa participation à la violence d’Etat, sinon par ce texte qui lui est dédicacé... ? Echo chez Onfray : dés la 4e de couverture, le « Crépuscule » accuse agressivement Freud d’être le gage d’une complicité avec le fascisme d’alors …. Torsion dangereuse dans la soi-disant « philosophie » d’Onfray.
*** « Crépuscule… » pour mieux cacher quelque chose qui sourd, cette haine de soi en soi-même, en lui Onfray adressée à un Sigmund Freud là pour ça, et qu’il s’approprie quelque peu méchamment, et d’être alors à coté de la plaque… Est-ce pour plaire beaucoup/passionnément avec son « Crépuscule » à ses nouveaux alliés du « Livre noir » dont il dit avoir besoin…?
Entendons cette haine de soi comme celle du père, du père présent dans le psychisme et que Freud a si bien décrit dans « Psychologie des masses et analyse du moi »(1921), avec le mot incorporation/Einverleibung, qui désigne l’intériorité psychique en train de s’inscrre dans le psychisme. Soit cet Autre, ce fameux Autre, dans cette autre scène, l’inconscient. Et à quoi il y a à s’accommoder, faire avec, le rencontrer. Y trouver dés lors du Père, du père primordial que le sujet retrouve plus tard dans le complexe d’Œdipe, sous la forme du pater familias avec un pacte à produire avec la dette que ce père incarne, ses jouissances, du fait de ce fameux phallus, symbole qui se distribue entre mère, enfant et père, pour les unir/désunir….
Pourquoi vouloir à ce point se faire entendre du monde entier, et crier au complot des freudiens contre toute critique ? D’accord, d’accord, dirai-je, mais la critique de ce « Crépuscule » est basse, et cherche les poux dans la tête pour les trouver même s’ils n’y sont pas comme par exemple reprocher à Freud de croire à la télépathie… Fondateur d’une certaine science de l’esprit, auteur d’une Geistigkeit/progrès dans le vie de l’esprit, d’en découdre avec ce qui serait transmissible sans langage ne pouvait que l’obliger à répondre. Tout simplement Freud relie la communication par phénomène télépathique au reste diurne du rêve, reste diurne à partir duquel le rêveur communique avec lui-même pendant le rêve qu’il va construire dans son sommeil. La communication télépathique, tout comme l’initiation et ses mystères, ou les propos des diseuses de bonne aventure, sont pour Freud, non pas à prendre dans leur contenu -tous les exemples qu’il donne ne se réalisent jamais- mais sont le signe, le signal d’un désir de communiquer 5 sur 5, désir qu’il y ait sans mot dire, du langage en silence… Et ça c’est la position de l’hystérique où il/elle veut communiquer en fusion avec un autre tout puissant… Demande d’amour de parler sans mots… les amants en savent quelque chose… Les proverbes aussi : « je pensais à toi et tu m’appelles au téléphone, tu vivras 120 ans…dieu te protège »…etc
« Les non-dupes-errent » (=les noms du père, errer contre le père) est le nom d’un séminaire de Lacan (1974, non édité) dont le titre irait comme un gant télépathe avec ce qu’énonce notre justicier de l’inconscient…, s’il s’en prenait à lui-même afin de savoir à ce point combien il ne veut pas être la bonne dupe du problème Père, quel que soit l’état de ce père de nos jours… A vouloir à ce point rester dans sa certitude uniquement et tellement universitaire concernant la psychanalyse, il ne peut que crier au complot, au mensonge, et par là même soutenir une position de maîtrise sans issue…
Et ce d’autant plus que poussé par un vent médiatique de force 9 à l’échelle de Beaufort – qui mesure la vitesse des vents, elle va jusqu’à 13 et à 10 c’est déjà la tempête, le marin Onfray devrait en connaître un bout- de cette allure du vent en ¾ face arrière, celui qui pousse bien par derrière et permet de hisser son Spi. Voire son Psy…
Nous y voilà : la navigation anti-freudienne empêche notre héros du jour de rentrer dans un port, le risque et qu’il démâte, perde sa boussole… s’il ne cesse pas de voir le mal partout dans Freud, faire faire à certains l’équation suivante : la laideur de l’humain que Freud désigne pour nous en désaliéner quelque peu, viendrait lui coller à la peau, et à la notre aussi, celle des psychanalystes actuels. Onfray voudrait là nous faire gober son fiel, genre c’est celui qui le dit qui l’est. En rendant tous complices entre nous de la laideur, celle du Schweinerei , de la cochonnerie sexuelle humaine que le juif Shylock dans Shakespeare est forcé d’incarner. Et cela fait peur aujourd’hui encore au vu des relents d’antisémitisme pur porc dans notre quotidienneté… Quelque chose d’une telle rage du fait de l’existence de l’inconscient équivaut à un refus de soi… Ça peut évoquer une âme de kamikaze qui veut oublier l’esprit, tuer tellement Freud déjà tué encore et encore, en se tuant soi-même intellectuellement.
Alors la question arrive : peur ou ‘même pas peur’ de l’analyse ? C’est presque clair, Mr Onfray, vous en fixez le prix : 450 euros ; et, ainsi face à vos 600 pages/séances de votre « Crépuscule », trouvez quelqu’un(e) pour vous lancer un beau matin ce que Philip Roth vous aurait déjà dit avec un accent yiddish sur votre ‘Onfray et son complexe’ : « Bon ! nous bouvons baindenant gommencer »...
JJ Moscovitz Psychanalyste Paris. 24 04 2010
[1] cf les textes de Roudinesco déjà indiqué , « Pourquoi tant de haine, suite », mais aussi dans « Halte aux impostures de l'histoire », par G.Mazeau in Le Monde du 21.04.10, où il est dit que « la Charlotte Corday d'Onfray n'a jamais existé... que sous la plume des hommes proches de la droite fascisante ». ou encore le texte de Michel Rotfus qui énonce « Prenant publiquement position à l'extrême gauche, Onfray dans son dernier livre, rejoint ouvertement l'extrême droite raciste et antisémite en tressant des couronnes à Pierre Debray-Ritzen, pedopsychiatre viscéralement antifreudien, et l'un des activistes de la "Nouvelle Droite" et du "G.R.E.C.E.", et de Jacques Benesteau auteur de Mensonges freudien, proche du Club de l'Horloge et du Front national ». LE SACCAGE DE FREUD, A PROPOS DU « CREPUSCULE D’UNE IDOLE» DE M.ONFRAY ( éd.Grasset 2010)
« Il posa un jour à sa mère cette question, « HANS. ? Maman as?tu aussi un fait?pipi ? « MAMAN. ? Bien entendu, pourquoi ? «. HANS. ? J'ai seulement pensé... <, Au même âge, il entre un jour dans une étable et voit traire une vache : « Regarde du fais?pipi il sort du lait, dit?il. » ». (in « l’observation d’une phobie d’un enfant de 5 ans », in Les cinq psychanalyses de S.Freud p 95 les Puf )
Le saccage de ce texte sur le Petit Hans que M.Onfray effectue devant 4 millions de téléspectateurs de l’émission de FR2 « on est pas couché » ce samedi 8 mai, mérite précisions. Ce bateleur en surbrillance jubile que la chute d’un cheval devant un enfant de 5 ans motive sa phobie. Rien à voir avec « le zizi à couper, le désir de coucher avec maman tant prônés soi-disant sur les divans ». Des précisions pour inviter à aller dans le texte de Freud lui-même. -c’est Mr Graefe, le père de Hans, qui à la société de Vienne, devant la souffrance de son fils en rend compte aux présents. -Freud, sur la demande du père, recevra Hans. Dans cet échange, sa perspicacité sur sa souffrance intime se montre à l’égal de qui reçoit sa parole, qui a désormais une adresse pour être entendue : si mon père parle avec toi, dit-il en substance, et si moi je parle avec lui, toi tu parles avec qui ? avec Dieu ? C’est bien envoyé, ô combien, pour nous placer face à nos croyances en une parole enfin reçue 5/5, chose bien sur impossible. Voilà la « castration » tant refusée alors qu’elle est là. Hans le transmet, et il a fallu Freud pour la nommer dans le quotidien de notre vie. Que ce soit imagé par du « couper zizi »se comprend par le changement du registre de l’imagination à la symbolisation de ce qui manque, oui le manque est ce qui meut notre désir de savoir ce que « j’ai dans ma tête, dans ma pensée inconsciente ». Pour cela il faut une autre personne à qui le dire. -notre bateleur propage la lecture de Montaigne, pour un enfant de cinq ans ou pour un adulte, pour remplacer la rencontre incarnée entre deux personnes ! -la chute réelle du cheval n’explique ni le symptôme, ni sa sédation. il faut qu’il l’ait dite, cette chute. De fait il a le fantasme très actif d’être « abandonné sur place » dans une voiture, et ne plus retrouver ses parents. Et que ce soit entendu par un interlocuteur identifié à lui fait retrouver l’énergie que ce trauma s’est accaparée pour que le calme revienne.
Ce livre indécent est un saccage fait par un auteur indigne de la philosophie, comme on a pu le voir dans cette émission tout aussi indècente dés que de la pensée a à dire ce qu'elle est. Le déficit de pensée est ici affligeant tant est destructrice la torsion intellectuelle de l’auteur pour nous y entraîner avec lui. Je dis cela non pas à Mr Onfray, mais à ceux qui sensibles à l’intelligence de Freud ne tombent pas dans un refus immense d’être séduit comme le manifeste notre bateleur qui, ayant enseigné Freud pendant vingt ans, vire de bord à 180° comme il dit à l’émission le faire en politique, là où somme toute c’est la règle.
[1] Gérard Garouste, avec Judith Perrignon, L'Intranquille. Autoportrait d'un fils, d'un peintre, d'un fou, (éditions l'Iconoclaste, 2009)
[2] «La psychanalyse face à ses détracteurs » de Vannina Micheli – Rechtman Editions Aubier 2007.
Depuis qu'elle existe; la psychanalyse est l'objet de nombreuses attaques. Elle fut pourchassée par les nazis, parce qu'elle donnait de quoi comprendre ce dont les mythes sont faits. Elle fut invectivée par les catholiques, parce qu'elle fournissait une théorie psychologique de la religiosité et mettait au centre de l'humain le rapport à la sexualité.
Chute et fin de mon admiration pour un esprit qui fut brillant, nouveau en son temps.
Un livre sans intérêt, qui, à défaut de comprendre Freud, l'interprète en chatouillant les indignations de bon ton du sens commun, bref, voilà un graphomane sans grand talent, aux indignations sommaires, faciles à communiquer à l'heure où les sentiments faciles, télé-médiatiques, sont plus que jamais de mise, et où l'immédiateté l'emporte sur le travail de longue haleine à laquelle devrait nous contraindre une des pensées les plus ingénieuses et subtiles du XXeme siècle. Que l'on ne s'accorde pas sur tout concernant celle-ci est une autre affaire, que l'on songe à certaines des critiques qui lui ont été formulées (Sartre, Deleuze, Derrida) Onfray est loin de faire le poids. Un livre fondamentalement bête, bien à l'image de son auteur, télégraphiste de l'idéologie ambiante (scientisme de bas niveau, indignations de comptoir), à aucun moment, aucun, il ne s'agit de penser. Passez sans scrupule votre chemin.
J'ai moi aussi vu Onfray chez Giesbert. Et je n'ai pu m'empêcher d'éclater de rire. D'abord parce que Michel Onfray redécouvre le fil à couper le beurre, après avoir donné libre cours à sa freudolâtrie pendant des années dans ses ouvrages. Ensuite parce que Michel Onfray se fout clairement de la gueule du monde. Il prétend avoir fait en quelques mois ce que les critiques du freudisme ont réalisé sur des années : lire "tout Freud", les correspondances, les archives (celles qui sont accessibles, tout du moins), enquêter, aussi, parce que ça ne tombe pas tout cuit, la vérité sur Freud... Ce qui conduit tout de même à se demander qui donne le plus dans "l'affabulation" dans l'histoire, Freud ou Onfray. Et puis Michel Onfray se réveille bien tard, pour déboulonner Freud : juste au moment où un certain anti-freudisme est devenu à la mode ; mais où était donc notre "nietzschéen de gauche" lorsque critiquer la psychanalyse vous valait bien des problèmes ? Enfin et là j'ai beaucoup moins ri, Onfray, comme à son habitude (je songe à son malhonnête Traité d'athéologie) n'attaque pas tant le freudisme que Freud lui-même : son alibi psychobiographique ("il faut s'intéresser à la vie d'un auteur pour comprendre son oeuvre" ) n'atténuant pas mon impression d'une furieuse envie chez notre "philosophe" de se payer Freud, par tous les moyens, y compris les plus salaces (la coucherie de Freud avec sa belle-soeur, par exemple). Bref, avec des alliés comme Onfray, les critiques du freudisme n'ont pas besoin d'ennemis Afficher la suite de cette page |
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