Extrait de “Dictionnaire de neuropsychanalyse" de Serafino Malaguarnera, 12 octobre 2016, pp. 56-57.
Au cours du séminaire sur les quatre concepts fondamentaux de la psychanalyse (1963-1964), Lacan reprend les conceptions aristotéliciennes d’automaton et de tuché lorsqu’il développe le premier concept fondamental de la psychanalyse, à savoir l’inconscient. Il aborde ce concept en mettant en jeu les deux dimensions propres à ces deux notions aristotéliciennes, dont l’une renvoie à la nécessité, l’autre à la contingence. L’inconscient freudien présenterait alors deux versants différents : l’inconscient automaton et l’inconscient tuché. Plus précisément, l’inconscient, sur le versant automaton, serait marqué par l’insistance des signes — selon le principe de la chaîne symbolique —, par ce qu’il se répète et ne cesse de se répéter. Sur le versant tuché, l’inconscient serait marqué par la rencontre avec ce qui se présente d’une manière inattendue et qui n’a pas été programmé.
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François Ansermet et Pierre Magistretti (2004) ont repris ces deux distinctions entre l’inconscient automaton et l’inconscient tuché pour mieux cerner les enjeux du concept neurobiologique de plasticité cérébrale en relation avec l’inscription de la trace. Sur le versant automaton, il y a une accumulation d’expériences vécues qui s’inscrivent dans l’histoire du sujet et lui imposent une trajectoire orientée depuis le passé. D’un point de vue neurobiologique, la plasticité automaton se caractérise par une accumulation d’inscriptions d’expériences vécues sous forme de traces générées par des mécanismes spécifiques de plasticité aboutissant à une trace permanente. La plasticité cérébrale possède une autre propriété qui se retrouve dans la notion de tuché. Sur ce versant, il y n’a pas encore d’inscription, mais plutôt une ouverture à des expériences qui pourraient se réaliser et une potentialité de changement infinie qui oriente le système vers le futur dans sa dimension imprédictible. D’un point de vue neurobiologique, cette potentialité de changement encore infinie est une propriété de la plasticité cérébrale et elle indique que la trace synaptique grâce à laquelle un événement peut s’inscrire dans le système nerveux renferme en soi des mécanismes d’ouvertures qui permettent des modifications ultérieures. Ainsi, la plasticité cérébrale possède deux propriétés qui correspondent aux deux distinctions entre l’inconscient automaton et l’inconscient tuché. Concrètement, nous pouvons résumer ces deux propriétés de la manière suivante : un événement opère une modification, qui laisse une trace permanente et nécessaire (plasticité automaton), et cette même modification est ouverte à tout événement contingent venant ainsi modifier le système de traces déjà inscrites (plasticité tuché).
L’inconscient automaton pourrait également correspondre à l’inconscient qui se constitue par le refoulement, et l’inconscient tuché (Ansermet et Magistretti, 2010) au troisième inconscient décrit par Freud dans le Moi et le Ça (1923).
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Bibliographie :
Lacan J. (1963-1964), Le Séminaire, Livre XI, Les quatre concepts fondamentaux de la psychanalyse, Le Seuil, 1973.
Ansermet F., Magistretti P. (2004), À chacun son cerveau. Plasticité neuronale et inconscient, Odile Jacob.
Ansermet F., Magistretti P. (2010), Les énigmes du plaisir, Odile Jacob.
Freud S. (1923), Le moi et le ça, in : Œuvres complètes, XVI, Presses Universitaires de France, 1991.
Compléments :
Ansermet François, Magistretti Pierre, Plasticité cérébrale, Trace synaptique