Serafino Malaguarnera - Psychologue, Psychanalyste, Psychothérapeute à Bruxelles

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Trauma ou Traumatisme



Extrait de “
Dictionnaire de neuropsychanalyse" de Serafino Malaguarnera, 12 octobre 2016, pp. 460-462.

Allemand : Trauma — Anglais : Trauma.
Les deux termes trauma et traumatisme sont souvent utilisés comme synonymes, mais ils se réfèrent cependant à deux aspects différents. Le trauma se réfère à un violent choc externe qui provoque une blessure physique ou psychique. Le traumatisme se réfère aux conséquences sur le psychisme de ce choc violent externe. L’allemand ne possédant que le terme trauma, on ne rencontre que ce terme dans la pensée de Freud.                                                          
Dans les premiers travaux de travail, la théorie du traumatisme (1) est liée à celle de la séduction, à savoir la confrontation précoce à la sexualité exercée d’une manière violente par un adulte. Freud abandonne cette théorie lorsqu’il constate que les violences sexuelles invoquées par les patients n’avaient pas réellement eu lieu, mais ils appartenaient plutôt au domaine de l’imaginaire, et plus précisément du fantasme. Ainsi, Freud ne s’intéresse plus aux événements traumatiques jusqu’à la Deuxième Guerre mondiale où les cas atteints d’une névrose traumatique se multiplient attirant son attention. Auprès de ces cas, on voit réapparaître et se répéter la scène traumatisante. Dans Au-delà du principe de plaisir (1920), Freud reprend la notion de traumatisme à partir de la névrose traumatique, des névroses de guerre et de la compulsion de répétition.            Dans la pensée de Freud, la notion de traumatisme se trouve essentiellement du côté d’une conception économique, car le traumatisme se produit par un échec du principe de constance. Ainsi, un événement violent provoque une effraction du système pare-excitations et l’appareil psychique se trouve dans l’incapacité à évacuer l’excès d’excitation selon le principe de constance.                 
À partir des années septante, il y a à nouveau un intérêt pour le traumatisme suite aux suivis des anciens combattants des États-Unis revenus massivement du Viêtnam en 1973. Cette pathologie traumatique est de plus en plus connue sous le nom de trouble de stress post-traumatique.                                                                                                                                                                                                      --------------------------------------                                                   

Dans le domaine de la neuropsychanalyse, Allan Schore (1994 ; 2003) reprend les travaux de John Bowlby et ceux de Heins Kohut — deux auteurs qui se sont intéressés plus particulièrement que ne l’avait fait Freud à la vie psychique pré-œdipienne — pour développer sa théorie du traumatisme. Allan Schore reprend de John Bowlby la notion de relation d’attachement, qui se construit dans le système nerveux en fonction de l’expérience de l’enfant dans la relation avec la mère, grâce à laquelle l’enfant apprend à réguler ses propres émotions face aux stimuli de l’environnement. Cette régulation des émotions dans l’expérience des interactions entre la mère et l’enfant permet à ce dernier de développer une homéostasie interne, essentielle pour l’accroissement de complexité des systèmes du cerveau en maturation. De Heins Kohut, il reprend l’importance des interactions que l’enfant établit avec ses self-objets qui, agissants comme des régulateurs psychobiologiques externes, créent des états de cohésion et de vitalisation maximales. La dysrégulation de ces interactions est prise comme point de départ par Allan Schore pour développer sa conception du trauma qu’il formule en termes neurobiologiques.                                                                           
Les données des neurosciences montrent l’importance des relations précoces entre la mère et l’enfant pour le développement du système neurobiologique de l’hémisphère droit – anatomiquement prédominant sur le cerveau gauche du sixième mois de grossesse jusqu’à la fin de la deuxième année – qui est impliqué dans le processus émotionnel du système limbique, dans la modulation des réponses au stress et dans la régulation du soi. Une relation entre la mère et l’enfant traumatique provoque une croissance dysfonctionnelle de l’hémisphère droit de l’enfant produisant un terrain favorable à la constitution d’une multitude de troubles psychopathologiques, dont le syndrome de stress post-traumatique. Le trauma peut être un événement particulier d’une certaine intensité, ou, ce qui est le plus souvent, la persistance d’une mauvaise relation ayant le pouvoir d’occasionner des ruptures dans l’attachement. Des stimulations émotionnelles particulièrement intenses et inappropriées auront un impact négatif sur la régulation des émotions, et donc sur l’accroissement des connexions synaptiques. Le renforcement prolongé d’états d’affect négatif qui s’ensuivent est ce qui caractérise, selon Allan Schore, le traumatisme. Le système nerveux autonome de l’enfant peut répondre au trauma par deux modes différents, l’hyperactivation et la dissociation.                                                                            
Les recherches sur les vétérans du Viêtnam souffrant de stress post-traumatique ont montré que leur cerveau avait des lésions au niveau du noyau gris central de l’hippocampe, alors que le système amygdalien n’était pas touché. Le syndrome de stress post-traumatique laisserait alors une trace au niveau du système de mémoire implicite, correspondant à la mémoire amygdalienne, alors qu’il n’aurait aucune trace au niveau du système de mémoire explicite, située dans le système hippocampique. Il y aurait donc une diminution de la mémoire explicite et une augmentation de la mémoire implicite. Ces données neurobiologiques amènent la neuropsychanalyse à revoir le choix du moment des interprétations pendant les séances avec des patients souffrant d’un syndrome post-traumatique (Yovell, 2000). Il est conseillé de proposer des interprétations dans des moments de tranquillité émotionnelle parce que dans des moments où le patient vit des émotions négatives l’hippocampe, ayant subi des lésions à cause du traumatisme, est submergé par la réponse exagérée de la cortisone au stress émotionnel déclenchée par les amygdales et ainsi le patient serait incapable de retenir l’interprétation du thérapeute.                                                                                      
Selon François Ansermet et Pierre Magistretti (2004), le traumatisme serait une perte de plasticité provoquée par une destruction des valences plastiques avec des phénomènes lésionnels.                                                          ________________
                                                                                                             
1. Freud définit le traumatisme comme « une expérience vécue qui apporte en l’espace de peu de temps, un si fort accroissement d’excitation à la vie psychique que sa liquidation ou son élaboration par les moyens normaux et habituels échouent, ce qui ne peut manquer d’entraîner des troubles durables dans le fonctionnement énergétique ».

Bibliographie :                                                                                                                                        
Ansermet F., Magistretti P. (2004), À chacun son cerveau. Plasticité neuronale et inconscient, Odile Jacob.                                                                                                                                         
Freud S. (1920), Au-delà du principe du plaisir, in : Œuvre complètes, Vol. XV., PUF, 2006. Laplanche J., Pontalis J.-B. (1967), Vocabulaire de la psychanalyse, PUF.                                      
Sauvagnat F. (2008), Le trauma psychique : questions cliniques, éthiques et politiques, L’Harmattan, 2008.                                                                                                                                                                        
Schore, A. N. (1994), Affect regulation and the origin of the self: the neurobiology of emotional development, Hillsdale NJ, Lawrence Erlbaum Associates.                                                                        
Schore, A. N. (2003), La régulation affective et la réparation du Soi, Les Éditions du CIG, 2008.                                                                                                                                                                             
Stremler E., Remarques introductives aux problèmes de la neuropsychanalyse, http://pierrehenri.castel.free.fr/S%E9minaires%20PHS2M/PHS2M-9%20 (Stremler). htm         
Yovelly Y. (2000), Yovelly From hysteria to posttraumatic stress disorder : Psychoanalysis and the neurobiology of traumatic memories. J. Neuro-psychoanal. 2 : 171-181.               
                              
Compléments :                                                                                                                                
Attachement (théorie de l’— ), Bowlby John, Latéralisation, Schore Allan
 

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